En classe 7 h par semaine avec des fonctionnaires canadiens – anglophones donc – un des plus gros défis que je rencontre est de les sensibiliser aux faux amis EN/FR.
Qu’entends-je par faux amis? Des mots quasi identiques dans les deux langues et dont les aires sémantiques souvent se chevauchent. Exemple : develop/développer ; identify/identifier ; system/système ; approach/approche ; include/inclure, etc. La Traduction raisonnée de Delisle s’attarde sur certains d’entre eux dans son chapitre « Les difficultés d’ordre lexical », et plusieurs ouvrages comme Les Mots pour le traduire, le Merteens, le lexique analogique de Termium ou encore les Traducteur averti de François Lavallée nous aident à mieux jongler avec leurs nuances.
Mais pourquoi est-ce un défi aussi en salle de classe? Eh bien parce que :
- Quand on commence à apprendre, on va au plus simple. C’est d’ailleurs très utile de s’aider de ces convergences d’étymologies et de « franciser » un mot d’anglais pour se faire comprendre (et vice-versa d’ailleurs).
- Quand on apprend une langue, on cherche souvent UN équivalent au MOT que l’on ne comprend pas ; en d’autres termes, on pense plus au mot physique qu’au concept : on veut qu’un mot soit égal à un autre mot.
- Le contexte fait que ces apprenants-ci baignent très souvent dans un milieu semi-franco semi-anglo, déjà aux prises avec ces interférences, notamment dans le langage oral. On a donc plus de risque de conserver de mauvaises habitudes.
Mais pourquoi vouloir être précis? Après tout, la langue évolue aussi et on pourrait voir cela comme une simple évolution ou « re-rencontre » du français avec l’anglais. Eh bien pour la simple et bonne raison que :
- Apprendre une langue n’est pas seulement apprendre des mots dans un contexte donné : ces mots ont une histoire, ils sont attachés à une culture.
- Les apprenants dont je parle représentent le Canada, ils en sont les porte-parole. Que dirions-nous d’un Canada-globish?
- On parle souvent de l’importance de la traduction (au Canada), mais l’enseignement a aussi son rôle à jouer : un apprenant qui est sensibilisé à ces questions aura moins tendance à faire des calques.
Voici donc, pour y remédier, un exercice que j’ai mis au point avec une de mes apprenantes au niveau perfectionnement (B2/C1). Celui-ci est inspiré de l’exercice de repérage proposé par M. Lavallée dans nombre de ses formations.
Méthode :
- Faire lire en amont du cours des textes dans le domaine d’exercice de l’apprenant (ici, l’environnement et plus précisément les stratégies de conservation).
- Lui demander de souligner les expressions qui lui semblent utiles pour son travail. Souvent, des mots que vous aurez choisis pour le cours vont être soulignés lors de cette première lecture.
- Faire un exercice d’appariement avec une liste de 10 synonymes (français) de mots repérés au préalable dans ce texte, puis reprendre cette même liste mais en faisant apparier équivalent anglais-mot du texte. Je me limitais à 10 mots par ordre chronologique, car l’exercice est déjà ardu. On peut ensuite découper davantage le texte pour restreindre les aires de recherche, ou donner des indices.
- Le cours suivant, faire un exercice de révision, par exemple avec des phrases à choix multiples.
Ci-dessous, le tableau récapitulatif du repérage effectué dans le document présenté. Cet exercice a le mérite à la fois de sensibiliser l’apprenant aux nuances lexicales FR/EN sans faire un exercice de traduction à proprement parler ; ET de nous ouvrir les mirettes sur de possibles équivalents en traduction. Aviez-vous déjà pensé en effet à « recenser » pour traduire identify?
Alors oui, en traduction, il vous sera peut-être difficile de trouver du temps (et un cobaye) pour vous adonner à un tel exercice. Mais pourquoi ne pas le proposer en cours de traduction, en formation ou en 5 à 7 de traducteurs (que du fun en perspective😂)?
NB : Ne pas oublier, en tant que traducteur, de revenir aux nuances de sens. Peut-être bien que dans votre contexte, identify se traduirait tout simplement par…identifier!
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