Dans ce passage de Paresse pour tous d’Hadrien Klent, l’auteur présente ceux et celles qui seront les futurs membres de l’équipe de campagne d’Émilien Long, son protagoniste, pour la présidentielle 2022 à venir. L’un de ces membres est Souleymane Coly, un poète sénégalais francophone, que l’on voit ici pour la première fois, en discours lors d’un congrès international des poètes au Mexique : « Il y a quinze nationalités [représentées]. Cinq langues de traduction [français, espagnol, anglais, russe et chinois]. Soixante-cinq poètes invités. » Souleymane Coly, le poète, s’y exprime en français :
— La poésie est politique. […] Ma langue a du pouvoir car elle est grosse de ma salive mêlée, de serpent et de panthère. Oui, je suis serpent, je suis panthère. Car je suis poète. Je sais que la langue est forte et fragile. Qu’elle est tout et rien. Je me pique de pas-que.
Souleymane rit. Se tourne vers les cabines des traducteurs.
— Mais comment mes très chers, traduisez-vous « Je me pique de pas-que »?
Joyeuse cacophonie : chaque traducteur dit sa traduction. Souleymane les commente, les discute, puis s’exclame :
— Réjouissons-nous que la tour de Babel se soit effondrée ! Réjouissons-nous de toutes ces langues qui nous permettent de nous confronter à d’autres univers, façons de penser, approches du réel. Quelle terreur serait un monde avec une langue unique. Une langue qu’on ne pourrait pas choisir. Langue maternelle ET paternelle ET onclenelle ET tantenelle. Enfermé dans une seule famille, avec une seule vision du monde. S’il n’y avait qu’une seule langue, il n’y aurait peut-être qu’un seul poète !
Si l’auteur confond ici les rôles de traducteur et d’interprète — ce qui nous montre que malgré un accroissement de la visibilité de la profession, celle-ci n’est pas encore comprise dans tous ses aspects, il nous donne toutefois une vision positive du multilinguisme, à rebours des velléités de « langue unique internationale » (comme l’est l’espéranto, par exemple). Un débat — la diversité des langues, est-elle chose bénéfique, voire nécessaire? — finalement toujours très actuel si l’on en croit ce reportage au Parlement européen à Bruxelles (reportage qui confond par ailleurs également le métier de traducteur et d’interprète!).
Et sinon, vous traduiriez ça comment, vous, « je me pique de pas-que »? Expression originale s’il en est; dans laquelle je distingue trois éléments d’importance :
- « je me pique de », expression de fierté mâtinée d’arrogance, possiblement traduisible en anglais par « I pride myself on » ;
- le mystérieux « pas que » qui semblerait aller dans ce sens ;
- la probable référence à Jacques Dutronc ;
- et bien sûr (oh, ce 4e point impromptu!), le jeu des assonances en [p]!
Alors, une idée?